Psychologie et méthodologie des apprentissages: généralités et différenciation

Prof. Mme N. Genard

Table des matières

 

Consignes

1 La méthode Félicitée®

1.1 Présentation de la méthode

1.2. Analyse critique de la méthode

2 Qu’est-ce qu’un neuromythe ?

3 Les 4 risques de la neuro-éducation définis par Elena Pasquinelli

3.1 Risque 1. Le risque de l’utilisation du savoir comme prescriptif

3.2 Risque 2. L’application directe des résultats de laboratoire à la société

3.3 Risque 3. Le risque que le jargon neuroscientifique et les images produites par     les neuroscientifiques aient un effet persuasif  

3.4 Risque 4. Le risque de la création des neuromythes

4 Deux exemples de neuromythes, leurs origines et conséquences

4.1 Le « cerveau droit » et le « cerveau gauche »

4.2 L’effet Mozart

5 Pourquoi les neuromythes persistent-ils ?

5.1 Les problèmes de communication d’informations non pertinentes

5.2 Le sensationnalisme

5.3 L’omission d’informations pertinentes

6 Quels sont les risques qu’engendrent les neuromythes dans notre société ? Faut-il les combattre ?

6.1 Les risques des neuromythes dans la société

6.2 Comment combattre les neuromythes ?

7 Conclusion

Bibliographie

Consignes

 

1. Sélectionner un outil, une méthode d’apprentissage, un concept vu au cours.

2. Le/la présenter brièvement

3 . Réaliser une analyse critique en regard des différentes thématiques vues au cours

Lors du cours nous avons abordé entre autres les neuromythes, qui m’ont interpellé. Ce travail me permettra d’approfondir le sujet pour comprendre qu’est-ce qu’un neuromythe, sur lequel ils reposent, quelles sont les origines, comment les combattre, faut-il les combattre ?

 

1. La méthode Félicitée®

 

1.1 Présentation de la méthode

Pour ce travail j’ai choisi d’investiguer sur la méthode Félicitée[1]®.

Pour aller directement à la source et comprendre ce qu’elle proposait je me suis documentée sur le site felicitée. be, le site propre à la méthode (www.felicitee.be).

Cette méthode a été créée par Catherine Delhaise.

Mme Delhaise est formée en gestion de ressources humaines, domaine dans lequel elle a travaillé dans le secteur bancaire (!!).

En quête de sens, elle se forme en Brain Gym® et à la kinésiologie, pour travailler ensuite comme éducatrice dans une institution pour enfants caractériels, ce qui l’amènera à s’intéresser aux enfants ayant des difficultés d’apprentissage scolaire, secteur dans lequel elle se spécialise. Elle parfait sa formation auprès de André Duchesne et Ginette Lépine par une formation à la Psychologie Corporelle Intégrative qui « permet de développer sa respiration et à faire circuler ses émotions[2] ».

C’est suite à cette formation qu’elle ressent une profonde transformation intérieure. Elle crée alors la méthode Félicitée (2008) pour partager avec les écoles et les parents l’effet bénéfique de la prise de conscience des ressources intérieures qui développent le potentiel.

Il s’agit d’une méthode dite « ludique spécialisée dans l’aide aux apprentissages des enfants pour améliorer la concentration et stimuler son potentiel en 7 minutes[3] ».

La méthode prône une auto-équilibration au travers d’exercices qui peuvent se faire tant à la maison qu’à l’école, qui utilisent la respiration dans le but d’améliorer la mobilisation des capacités et donc de développer le potentiel auprès des enfants, adolescents et adultes.

Présentée comme un mélange entre la Brain Gym®, le yoga, la gestion mentale et la conscience de la respiration, elle recommande aux bénéficiaires une série d’exercices dans un ordre précis avant de débuter une activité cognitive (devoirs, activité en classe). Bien entendu les exercices ne sont pas développés sur le site, il s’agit de carte faisant partie d’un coffret qui peut être acheté sur le site.

L’ordre nous donne que peu d’informations, il est le suivant :

1. Centrer

2. Réveiller le corps

3. Faire circuler les émotions et les sensations

4. Enraciner

5. Exprimer les colères et les frustrations

6. Créer un espace positif autour de soi — Estime de soi

7. Ouvrir la vision périphérique — Aide à la lecture et l’écriture

8. Détendre

9. Calmer

Ensuite le bénéficiaire est prêt à entamer son activité cognitive.

Afin de valider sa méthode, Mme Delhaise propose sur le site le témoignage de différentes personnes, parents, adolescents et se fonde sur les recherches) (https://www.felicitee.be/efficacite-et-validite-de-la-methode-felicitee/).[4]

Effectivement sur les pages du site je retrouve des allusions à des recherches qui démontrent que l’enfant reste top assis à l’école (Hettinger 1985, Montessori 1912, Grimsrud 1990), et que le mouvement contribue au développement de nouveaux neurones dans l’hippocampe (citation de F. Trudeau), ou même l’augmentation de connexion neuronale qui favorisent l’apprentissage. Afin de démontrer la validité de la méthode, Catherine Delhaise s’appuie sur le nom d’André Dehan, Docteur en sciences de l’éducation à l’université de Mons, et d’une étude faite par une étudiante de l’université mesurant les bienfaits de la méthode Félicitée auprès d’enseignants pendant 1 mois.

La méthode s’adresse aux parents afin de les aider dans l’apprentissage des enfants, dans la motivation, pour les devoirs, pour diminuer le stress et pour la gestion d’émotion et même pour améliorer la relation entre le parent et l’enfant. L’enseignant retire de cette méthode également de nombreux bénéfices. La méthode calme les enfants (plus de bruit ni de répétition constante des consignes), elle motive les enfants, elle favorise la réussite scolaire et à la gestion de la classe grâce à cette merveilleuse boîte à outils que représente la méthode. Bien entendu, les professionnels de l’enfance (logopèdes, neurologues, psychologue, agent PMS, coach scolaire, éducateur, etc.) y retrouveront également leur part de gâteau. Canaliser les enfants qui présentent des difficultés scolaires et les hauts potentiels, freiner la vitalité ou la gérer, développer la stabilité intérieure, combattre la dépression et améliorer l’estime de soi si la méthode est pratiquée régulièrement. La méthode pourra alors s’utiliser en consultation non seulement pour créer des liens et permettre le lâcher-prise des enfants, mais aussi pour atténuer les troubles d’apprentissages et de l’attention (enfants « dys », HP et TDA/H) et pour développer l’estime de soi et la gestion d’émotion. Enfin, cette méthode est bonne pour tout un chacun, car elle permet outre la gestion d’émotion de comprendre le sens de notre vie, à avoir des idées claires, acquérir une mémoire automatique avec de bons réflexes en toute situation de vie, d’offrir aux autres une qualité de présence de soi-même et de travailler la confiance en soi au travers du regard des autres.

Je conclus la présentation de cette méthode par le côté financier. Cette méthode, propice à tous, enfants adultes adolescents, parents, enseignants, professionnels, n’est pas accessible gratuitement. Pour pouvoir avoir les informations concrètes de comment faire et surtout pour avoir les fiches décrivant les exercices, le site présente différentes options d’achat (coffrets, pack Magie, pack professionnel, pack expert) ainsi que la possibilité de suivre une formation sous forme d’atelier d’une ou plusieurs heures ou même de plusieurs jours, mais pour lesquels les prix ne sont pas spécifiés sur le site.

 

 

1.2 Analyse critique de la méthode

Il est intéressant d’analyser cette méthode sous un regard critique du neuromythe qui en atteint ici tous les aspects.

Nous nous retrouvons avec une méthode fondée par une personne lambda, qui ne démontre aucune formation scientifique sur laquelle elle pourrait appuyer les résultats bienfaisants. Dans l’explication de la formation, Mme Delhaise parle bien de personnes ayant cette formation qu’elle a côtoyée, et de formation diverse de bien être, elle aussi basée sur des neuromythes. Les recherches dont parle Catherine Delhaise montre peut-être pour ne citer qu’un exemple, que l’enfant reste trop assis à l’école ((Hettinger 1985, Montessori 1912, Grimsrud 1990), mais ce ne sont pas les scientifiques qui font le lien avec la méthode élaborée par Mme Delhaise. Le lien n’est pas direct, mais l’explication sur le site sous-entend le lien. C’est une des bases du neuromythe, les informations « hors propos » se basant sur des études scientifiques afin d’être persuasives. L’omission d’informations pertinente et l’utilisation de vocabulaire de vulgarisation scientifique et sensationnaliste contribuent à l’effet de conviction du lecteur quant à la méthode. Il n’y a sur le site aucune preuve scientifique réelle, mais seule l’utilisation du jargon scientifique.

À la vue des recherches sur les troubles de l’apprentissage, nous avons pu comprendre à de nombreuses reprises que ces troubles sont des troubles cognitifs qui ne peuvent donc pas être résolus par une simple « exercitation du cerveau » comme le prône la méthode.

Quel est alors l’objectif de la méthode ? Aider tout un chacun ?

L’aspect financier joue ici le rôle essentiel de la méthode. Il s’agit de toucher un public extrêmement ample (un maximum de personnes), de le convaincre au travers de « résultats miracles » élucidés sur le site, d’acheter la méthode (quelques cartes avec des exercices physiques et de respiration). Les exercices sont à faire quotidiennement ou avant de s’impliquer cognitivement. Ils sont rapides, simples et permettent l’utilisation dans tous les environnements (maison, classe, loisirs, camps, colonies…).

La bénéficiaire de la méthode, après son utilisation témoignera certainement de son bien fait, tout en ne sachant pas réellement analyser quel serait le bienfait et à quoi il serait dû.

Afin de mieux comprendre cette méthode qui est un neuromythe à fin financière type, tentons de comprendre ce qu’est un neuromythe, quel est son origine, comment il se construit et quel en sont les dangers pour la société.

 

 

2. Qu’est-ce qu’un neuromythe ?

 

Les neuromythe sont des fausses croyances sur le fonctionnement du cerveau humain qui se base sur des données scientifiques, mais, de manière simplifiée, périmée, résultent d’une erreur de compréhension, de lecture ou même d’une déformation délibérée d’études, qui résistent aux nouvelles découvertes des recherches en neurosciences et qui ont pour but de rendre les résultats de recherches plus pertinents au regard de l’éducation[5].

Le développement ces dernières années de l’imagerie médicale (IRM) a permis aux scientifiques de faire des progrès consistant dans l’étude du cerveau humain. Cette évolution a suscité dans le milieu de l’éducation un enthousiasme qui a donné naissance à un mouvement international qui combine l’approche neuroscientifique avec l’éducation et l’apprentissage ; la neuro-éducation. Cette approche pourrait révolutionner notre façon de concevoir l’éducation et l’apprentissage, et donc la manière d’enseigner[6].

C’est en parallèle de cette approche que nous avons pu observer la naissance des neuromythes.

 

 

3. Les 4 risques de la neuro-éducation définis par Elena Pasquinelli

Elena Pasquinelli[7] est enthousiaste quant à une approche interdisciplinaire entre le monde de l’éducation et les neurosciences, mais définit en même temps quatre risques en ce qui concerne la neuro-éducation[8].

 

Risque 1. Le risque de l’utilisation du savoir comme prescriptif

Les domaines de l’éducation et de l’apprentissage ne se limitent pas aux seuls résultats des élèves en fin d’années scolaires, mais prennent également en compte d’autres valeurs.

Des recherches sur la mixité scolaire montrent que la non-mixité serait favorable aux filles et aux garçons en ce qui est des résultats scolaires, mais que les résultats des filles sont nettement meilleurs en non-mixité, car elles ne subissent pas la pression de compétions avec les garçons ni ne subissent leurs remarques[9].

Cette affirmation a par la suite été démentie en 2011 à la suite d’autres études[10]

Mais admettons que les résultats des recherches n’auraient pas été démentis, ces résultats ne pourraient être suffisant pour prendre une décision quant au retour de la non-mixité des enfants dans leur scolarité, car d’autres valeurs, tel par exemple l’importance de la connaissance de l’autre sexe pendant le développement de l’enfant et de l’adolescent, l’égalité entre les sexes au niveau de l’éducation et de l’apprentissage, l’importance de l’interaction entre filles et garçons pour le développement, etc.

La science donne donc des réponses ou des éclaircissements, mais celles-ci ne suffisent pas à prendre des décisions. Il faut également prendre en compte les points de vue éthiques et éventuellement politiques.

 

Risque 2. L’application directe des résultats de laboratoire à la société

De nombreuses études ont démontré que la répétition d’informations avec des intervalles entre les répétitions aide la mémorisation[11]. Cette répétition est donc une bonne technique d’apprentissage sur le plan cognitif. Mais les résultats de ces recherches ne permettent pas la directe application dans les classes par exemple. Effectivement, une répétition à outrance dans une classe deviendrait rébarbative pour les élèves, à tel point qu’ils en perdraient la motivation qui influencerait négativement l’apprentissage. Il va sans dire que les résultats de recherches menées dans un laboratoire où les conditions ont été étudiées afin qu’elles soient optimales ne puissent être directement appliqués dans une classe ou d’autres facteurs externes, tels la dynamique de groupe entre en jeu.[12]

 

Risque 3. Le risque que le jargon neuroscientifique et les images produites par les neuroscientifiques aient un effet persuasif[13]

Nous pouvons, avec l’évolution rapide des multimédias, remarquer l’impact extrêmement persuasif des images, car elles ont un caractère émotif, contrairement à un matériel verbal ou textuel, qui lui maintient une voie de pensée rationnelle[14]. Au plus, les images sont « belle », au plus elles séduisent. Si celles-ci sont ajoutées à un texte quelconque, elles favoriseront largement la persuasion du lecteur par rapport au texte.

Elena Pasquinelli relève que par exemple pour l’imagerie médicale des aires actives du cerveau par rapport à une fonction précise, l’indication de la localisation cérébrale soutenue par l’image est souvent confondue avec l’explication du phénomène cognitif que l’image vise à démontrer.

Risque 4. Le risque de la création des neuromythes[15]

Nombreuses sont les fausses idées qui circulent dans le domaine de l’éducation. Comme nous l’avons vu dans la définition, ils ne proviennent pas uniquement de notre intuition, espoirs et expériences, mais s’appuient aussi sur les concepts qui proviennent des neurosciences.

Ces neuromythes empruntent un langage simplifié et les connaissances des neurosciences, mais sous une forme erronée à la fois en ce qui concerne les méthodes, mais aussi les contenus. Ils sont donc le fruit d’une mauvaise rencontre entre la science et la société[16].

 

 

4. Deux exemples de neuromythes, leurs origines et conséquences

 

Afin d’illustrer les neuromythes, je développe ci-dessous deux exemples bien connus.

 

4.1. Le « cerveau droit » et le « cerveau gauche »

L’idée que les humains soient plutôt « cerveau droit », c’est-à-dire plutôt créatif, avec beaucoup d’imagination, émotifs, et « cerveau gauche », plutôt donc logique, analytique, rationnel et mathématique circule encore de nos jours[17].

Il s’agit là clairement d’un neuromythe qui met en avant que la spécialisation de chacun des deux hémisphères cérébraux permet de définir le style de pensée, la personnalité et même des troubles de l’apprentissage[18]. Il s’agit d’une simplification de recherches scientifiques et d’observations fondées.

La recherche a démontré qu’effectivement nous possédons deux hémisphères cérébraux, différents déjà de par leur taille, avec des fonctions différentes. Ces deux hémisphères sont reliés par le corps calleux qui permet la « communication » entre les deux hémisphères. Les principales fonctions sensorielles et motrices sont symétriques et partagées entre les deux hémisphères de manière opposés (l’hémisphère droit contrôle le côté gauche du corps humain et l’hémisphère droit contrôle le côté gauche). Les études faites à partir des années » 80 sur la distribution asymétrique du traitement de certaines tâches ont pu démontrer que les tâches complexes (par exemple la lecture, le calcul, la production verbale, etc.) activent différentes zones spécialisées et reliées entre elles dans les deux hémisphères cérébraux.

Le neuromythe du cerveau droit/gauche permet par exemple de justifier et commercialiser des pratiques éducatives en s’appropriant le langage des sciences du cerveau.

Un bon exemple est la « Brain Gym », une méthode commerciale qui propose de remédier à des troubles et de favoriser l’apprentissage. La Brain Gym, « mise au point par le chercheur Paul Dennison »,[19]

proposent 26 mouvements simples qui ont comme vertu de stimuler l’écoute, la lecture, la compréhension, la mémorisation et d’évacuer le stress avant un examen en faisant travailler les neurones. Paul Dennison affirme que cette méthode s’appuie sur des bases de neurosciences. Il utilise dans l’explication de sa méthode le langage des neurosciences et se réfère au cerveau en parallèle à des références anatomiques et physiologiques, mais sans y faire intervenir de réelles connaissances. Les références utilisées justifient les actions, mais desquelles ne découlent aucune conséquence du type amélioration des apprentissages, meilleures organisation et attention, etc.[20].

Cette méthode est actuellement vendue comme une formation en neurosciences pour les enseignants de manière internationale et remporte beaucoup de succès. Ceci en dépit d’un manque de support théorique d’autres sciences, telle la biologie, et que la science de l’éducation ne retrouve dans la méthode aucun effet positif énoncé. Mais la popularité de la méthode, le partage des résultats « à succès » par les enseignants (succès subjectifs pouvant être attribués à de nombreux facteurs différents non liés à la méthode), et la fascination que la méthode développe contribue à ce que la méthode soit aujourd’hui encore soutenue et crue par un grand nombre de personnes malgré la réfutation des effets par le monde scientifique[21].

 

4.2. L’effet Mozart

L’effet Mozart est un neuromythe qui consiste à dire qu’un ensemble de résultats de recherche indiqueraient que si l’on écoute 10 minutes de musique de Mozart par jour, la chance de devenir plus intelligent est augmentée. Cette idée prend son origine sur une hypothèse découlant d’une étude réalisée en 1993 par Gordon Shaw, physicien en collaboration avec Francis Raucher, violoncelliste et expert en développement cognitif[22]. Cette étude a été menée auprès de 3 groupes d’adultes. Le premier groupe a été soumis pendant 10 minutes à l’écoute de la Sonate pour deux pianos en ré majeur de Mozart (K448), le deuxième groupe, sans contact avec le premier, a été soumis pendant 10 minutes à des bruitages (pas à une musique), et le troisième groupe, également sans aucun contact avec les deux autres groupes, a été soumis pendant 10 minutes à aucun son ni bruit (silence total). Suite à cette écoute, les trois groupes, sans aucun contact entre eux, ont été soumis à une série de tests cognitifs d’intelligence liés au raisonnement spatial). Les résultats montraient que le premier groupe, qui avait été soumis à la musique de Mozart, avait des résultats des tests supérieurs aux deux autres groupes[23].

Ce test n’a été effectué qu’une seule fois. De nombreuses études par la suite on tentées de répliquer l’effet Mozart ou d’expliquer le résultat du test initial. Il s’avère qu’une faille dans les modèles cognitifs serait à l’origine de la mauvaise interprétation des résultats, qui montrent que le traitement cognitif de la musique est indépendant d’autres processus cognitifs, dont, parmi elles, le raisonnement spatial[24].

Mais du point de vue social, « l’effet Mozart » la large couverture médiatique et l’engouement commercial quant à l’utilité éducationnelle et thérapeutique popularisa ce neuromythe. Malgré la réfutation de cet effet par les études successives, les slogans en rapport à cette étude (‘Anyone can benefit from this – NBC 1993, 10 minutes of Mozart’s music create higher intelligence quotient – IQ – – NBC News 1997, l’effet Mozart: les bienfaits de la musique sur le corps et l’esprit — Campbell 1997)[25] ont dénaturé les résultats.

La commercialisation d’applications se basant sur cet « effet » a été rapide et fructueuse. Zen Miller, gouverneur de la Géorgie, investit 105 000 $ en 1998 dans une série de 10 CD compacts, ayant pour titre « The Mozart Effect ». Chacun de ces disques détiendrait une fonction spécifique, fortifier l’esprit, guérir le corps, libérer la créativité, favoriser la clarté et la concentration, relaxer et stimuler la créativité, l’intelligence, etc. Ces CD furent produits et distribués dans les hôpitaux et insérés dans le cadeau pour les parents que l’hôpital distribuait lors de chaque naissance. Chaque parent ressortait ainsi du service de néonatologie après l’accouchement, avec entre autres le pack des 10 CD[26].

Encore aujourd’hui de nombreux sites prônent l’utilité de l’écoute régulière de la sonate de Mozart.[27]

 

 

5. Pourquoi les neuromythes persistent-ils ?

 

Elena Pasquinelli propose trois raisons principales à la persistance des neuromythes[28].

 

5.1. Les problèmes de communication d’informations non pertinentes

Les médias ajoutent régulièrement des informations « hors propos » qui se basent sur des études scientifiques afin d’être persuasifs. Effectivement, lorsque le jargon des neurosciences est utilisé par les auteurs pour envelopper l’information, celle-ci peut paraître plus convaincante. À cela s’ajoutent les images « scientifiques », qui ont également le pouvoir de convaincre, car elles donnent l’illusion d’un appui scientifique. Malheureusement, ces images ne sont souvent pas ou peu expliquées et induisent ainsi le lecteur à une mauvaise compréhension[29].

 

5.2. Le sensationnalisme[30]

À partir du moment où les personnes reçoivent une information dont le résultat est étonnant ou sensationnel, même s’il n’est pas encore reconfirmé par des études successives, le cerveau a tendance à maintenir coûte que coûte l’information en mémoire. Même si par la suite, les résultats sont réfutés ou revus successivement, l’information sensationnaliste se maintient au niveau du cerveau. La nouvelle information revue sera également mémorisée par le cerveau, mais lorsque l’individu sera questionné à propos de l’information, l’information sensationnaliste sera la première à ressurgir[31].

 

5.3. L’omission d’informations pertinentes[32]

Les articles et informations que proposent les médias [tout type de support confondu] omettent régulièrement des informations pertinentes, dont l’exacte lecture et interprétation de documents. Cette omission peut induire l’individu profane en la matière en erreur. Citons l’exemple l’imagerie médicale. Lorsqu’on présente dans un article de vulgarisation des images provenant de l’imagerie cérébrale et ne montrant que par exemple 3 petites zones du cerveau colorées, zone qui montre l’activité du cerveau, le lecteur n’est pas averti que cette image résulte d’une soustraction d’images afin de ne laisser apparaître que les zones actives en rapport avec une fonction cognitive distincte. Le lecteur qui lit l’image d’un cerveau gris et « éteint » dans la majorité de sa superficie pourra interpréter l’image comme un cerveau sous-utilisé dans sa capacité étant donné que peu de zones apparaissent comme étant actives. Cette omission d’information quant à la lecture du document pourra donc avoir sur l’individu profane une conséquence de sécurité dans le neuromythe selon lequel les êtres humains n’utilisent que 10 % de la capacité de leur cerveau.

 

 

6. Quels sont les risques qu’engendrent les neuromythes dans notre société ? Faut-il les combattre ?

 

6.1. Les risques des neuromythes dans la société

De nombreux neuromythes n’ont pas de conséquences négatives sur le bien être des individus[33]. Le fait d’écouter plus de musique classique ou d’exercer son cerveau avec la méthode de la Brain Gym n’est pas néfaste. Mais à parti du moment où les neuromythes touchent le domaine de la prise de décision ou de la dépense financière, ils peuvent engendrer des conséquences négatives. Citons l’investissement de Zen Miller pour la production de CD de Mozart à offrir à tous les nouveaux parents de Géorgie. Cet argent aurait largement pu être investi à des fins utiles.

Une autre conséquence néfaste est certainement une diminution de la population de la confiance dans la recherche scientifique. La recherche ne soutient pas de donner les bonnes réponses à toute sorte de problèmes, mais essaye d’expliquer des phénomènes naturels en proposant des résultats qui pourront appuyer la prise de choix ou de décision.

 

6.2. Comment combattre les neuromythes ?

Le neuromythe est comme nous l’avons vu, une croyance difficile à éliminer.

L’éducation joue un rôle important dans la disparition de ces croyances. Un élève éduqué à une pensée critique pourra dénicher plus facilement la source d’erreur ou l’omission d’u concept dans une information.

L’implication des scientifiques dans la vulgarisation des découvertes serait favorable. Aujourd’hui, les scientifiques publient largement, mais majoritairement dans les revues scientifiques lues par des scientifiques, et difficilement compréhensibles par l’individu profane. Si le même scientifique proposait des articles adaptés du point de vue du vocabulaire et de la connaissance de base de l’individu profane, dans des revues de vulgarisation, et donc facilement accessible, les neuromythes tendraient progressivement à disparaître[34].

Un autre aspect qu’il faudrait encourager est la collaboration des scientifiques avec les personnes de terrain. Une collaboration étroite entre les scientifiques de l’éducation et les enseignants sur le terrain afin de leur expliquer, l’un vers l’autre, les différents effets ou difficultés.

Le domaine des sciences de l’éducation est particulièrement complexe dans la transposition de test effectué dans un labo dans des conditions dites « optimales », vers un environnement réel qui est la classe. L’interférence de nombreux facteurs, subjectifs [charisme du professeur] ou réels [interaction entre les différents élèves et le professeur] rend le testing extrêmement complexe entraînant ainsi une lenteur dans l’étude de cette science.

 

 

7. Conclusion

 

Cette réflexion sur la croyance dans les neuromythe m’a permis de comprendre leur origine et le phénomène de propagation. Il est intéressant de comprendre pourquoi il est si difficile de les combattre. Je pense que tant que la science ne se rapprochera pas de l’individu profane afin d’expliquer, clarifier et vulgariser ses connaissances, les neuromythes auront encore et toujours l’opportunité d’exister et d’être propagés.

 

 

Bibliographie

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Notes 

 

[1] (Delhaise, s.d.)

[2] (Delhaise, s.d.)

[3] (Delhaise, s.d.)

[4] (Delhaise, s.d.)

[5] (OCDE/CERI, 2002)

[6] (Brault Foisy & Masson, 2009)

[7] Chercheuse en philosophie et sciences cognitives, EHESS, ENS, CNRS et membre de la fondation la main à la pâte (https://fr.wikipedia.org/wiki/Elena_Pasquinelli)

[8] (Pasquinelli E. , 2012)

[9] (Houssonloge, 2009)

[10] (Pasquinelli E. , 2012) (Lafortune, 2013)

[11] (Gerbier, 2015)

[12] (Pasquinelli E. , 2012)

[13] (Pasquinelli E. , 2012)

[14] (Joffe, 2007)

[15] (Pasquinelli E. , 2012)

[16] (Pasquinelli E. , Qu’est-ce qu’un « neuromythe »?, 2016)

[17] (Pasquinelli E. , Neuromythe, sommes-nous plutôt cerveau droit ou cerveau gauche?, 2019)

[18] (Pasquinelli E. , Neuromythe, sommes-nous plutôt cerveau droit ou cerveau gauche?, 2019) (Pasquinelli E. , Neuromythe, sommes-nous plutôt cerveau droit ou cerveau gauche?, 2019)

[19] (Longour, 2015)

[20] (Pasquinelli E. , Neuromythe, sommes-nous plutôt cerveau droit ou cerveau gauche?, 2019)

[21] (Pasquinelli E. , Neuromythe, sommes-nous plutôt cerveau droit ou cerveau gauche?, 2019)

[22] (Mahadoo, 2019)

[23] (Pasquinelli E. , 2012)

[24] (Latendresse, 2006)

[25] (Latendresse, 2006)

[26] (Sack, 1998)

[27] (Jeff, 2016)

[28] (Pasquinelli E. , 2012)

[29] (Pasquinelli E. , Qu’est-ce qu’un « neuromythe »?, 2016)

[30] (Pasquinelli E. , 2012)

[31] (Pasquinelli E. , 2012)

[32] (Pasquinelli E. , 2012)

[33] (Pasquinelli E. , Qu’est-ce qu’un « neuromythe »?, 2016)

[34] (Pasquinelli E. , 2012)